Il est 21h45, c’est plus fort que moi, à chaque soir, je dois laisser tout en plan pour regarder discrètement par la fenêtre au-dessus de l’évier. C’est une sorte de jeu, un peu comme le gamin d’en face qui refuse de marcher sur les lignes du trottoir. Moi, je dois regarder le vieux passer.
Depuis que je vis ici, il passe tous les soirs. Tous les soirs, sauf deux, il y a 4 ans. Mais, j’ai sû que sa femme était morte et qu’il l’avait veillée à l’hopital. Le lendemain, il était de retour, réglé comme une horloge dont l’aiguille des secondes passe le 12 au même moment où sa silhouette passe devant la lanterne du voisin d’en face.
Sa marche nocturne est rassurante comme le soleil qui se lève le matin. Tous les soirs, je l’attends pour confirmer que la terre tourne encore, que je vis et que tout ira bien.
Le vieux, je l’admire, tout ce que je connais de lui, je l’ai nommé, il passe devant la maison à 21h45 pour réapparaître le lendemain à la même heure dans le même sens. J’ai essayé quelques fois de rester éveillée tard, d’observer la fenêtre pour son retour. Il n’est jamais revenu. Toutes les lumières du village se sont éteintes une par une. Les fenêtres des salles à manger, des cuisines, des salons. Le clair de lune s’est déplacé doucement dans les arbres. Finalement, les lampadaires, au lever du Soleil.
Ce soir, il est 21h47, j’attends le vieux.
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